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Infos d'actualité - Attelage de Tradition


L'attelage au XVIIIème siècle par A. Fürger


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Traduction Reinold TRAPP

Le XVIIIème siècle :

 
L’art de l’attelage remonte  au début du XVIIIème siècle, à la période de l’Ancien Régime et du  temps des Lumières. Il est à son apogée vers 1750. 
Jusqu'à la Révolution française de 1789, la noblesse, par besoin de représentation, donne le ton en France. On y développe dans ses cercles l’attelage des chevaux en instaurant des règles très strictes.
Le courant d’idées des philosophes des Lumières encourage un nouveau type de relation avec le cheval, basé sur la compréhension de l’animal à la fois dans le domaine de l'équitation et dans celui de l’attelage.

Désormais, les nouvelles théories ne parlent plus du cheval comme d’un animal à soumettre par tous les moyens, y compris les plus rébarbatifs comme des mors à embouchures très durs, mais encouragent à profiter de ses prédispositions naturelles pour essayer  d’atteindre le raffinement de l’art équestre.
Le cheval, l’attelage, les passagers  et les accessoires prennent une part de plus en plus importante dans la représentation de gens ambitieux, qui se soumettent à une mode continuellement changeante, en particulier pour les des vêtements.
De toute évidence,  la France tient le rôle principal en Europe  dans le domaine de l’attelage des voitures de luxe aux alentours de 1700.  "The Paris fashion for coaches and chariots is much more easy and convenient than ours ", peut-on lire dans un texte anglais. A titre d’exemple, les suspensions  des voitures françaises étaient meilleures, à cette époque, que les anglaises.

altLes référence du Temps des Lumières

De nombreux textes étaient  en vogue au Temps des Lumières.  Ils étaient d’une aide précieuse  pour adopter un comportement correct dans une société en pleine mutation. L’ouvrage de bienséance le plus connu fut celui de Knigges en 1788.
 
Dans ce contexte apparaissaient également des écrits concernant les voitures hippomobiles, dont le « Le parfait cocher » rédigé par de La Chesnaye en 1744. Il s'adresse aux maîtres et à leurs domestiques chargés de gérer une écurie. Il fut plus tard traduit en allemand et érigera en modèle les expériences des nobles français sous forme de manuel destiné à être diffusé dans un cercle plus vaste.  
 
De grands efforts furent entrepris au long du XVIIIème siècle pour saisir par écrit les connaissances de l’époque. On ne présente plus » L’Encyclopédie » de Diderot et de d'Alembert.  L’ouvrage de von Krünitz connaissait déjà une grande notoriété. De nombreux autres, de plus en plus spécialisés furent rédigés dans des domaines techniques divers dont celui de Garsault qui fit référence pour l'équitation et la conduite d’attelage.

Le modèle de l’Equitation

La nouvelle conception de la relation avec le  cheval  fait de plus en plus d’adeptes, passant de la Haute Ecole d’équitation à l’attelage.Le développement de l'art de l’attelage a su petit à petit tirer profit  de la haute qualité de l'équitation si chère à l’aristocratie. 
L’Italie de la Renaissance y contribue pour une grande part. On y redécouvre, au XVIème siècle,  le principe du Grec Xenophon: "Le forcé et l'incompréhensible n'est jamais beau".
Avec  Grisone et Pignatelli, à Naples, et Pluvinel qui deviendra plus tard  capitaine de la Cavalerie du roi français Louis XIII, l'art équestre arrive en France.
 
Celui ci  atteint son apogée à travers  la Haute Ecole d'équitation de  Versailles, fondée  par Robichon de La Guérinière au 18ème siècle, sur les idées de Pluvinel . Son ouvrage "École de la cavalerie" rédigé en 1733 définira  les  principes de la nouvelle pédagogie de l’équitation jusqu'à aujourd'hui.
Le titre montre le rôle prépondérant de la cavalerie militaire (jusqu'à près de 1900).
En 1733 La Guérinère dirige la  « Grande Ecurie » de  Versailles.Une autre écurie importante se trouvait aux  Tuileries à Paris. Il montre une grande compréhension vis-à-vis du  cheval et peut ainsi mieux utiliser ses capacités naturelles.
C’est ainsi que naît la "vieille école classique de style français et napolitain » qui est encore aujourd'hui perpétué  par le Cadre Noir de la cavalerie française à Saumur.
L’école  anglaise allait toutefois s’imposer en Europe, et ce essentiellement  à partir de  la première guerre mondiale.
 

La genèse de l'art du menage en France au XVIIIème siècle

Depuis la Haute Ecole d’Equitation la relation avec le cheval se transforme et arrive au cheval d’attelage.
 
La Guérinière critiquait déjà en 1733, en des termes très explicites, les mauvaises manières de conduire des attelages  de son époque. Selon lui les chevaux d’attelage  manquaient d’élégance et étaient trop peu dressés. Ils étaient mal menés par conséquent devenaient durs en bouche.
 
Il donne donc des instructions détaillées concernant le  choix des chevaux d’attelage  et la meilleure manière de les dresser, comme dans l’équitation.
 

Selon lui, les chevaux d’attelage  devaient être dressés sous la selle pour leur permettre de développer une allure altière et fière. Dans le dressage des  Pilares, le fouet était un moyen de dressage pour enseigner le respect et comme aide au rassemblé du cheval.
C’est ainsi que sont définis les fondamentaux de l’art de l’attelage tels qu’ils sont encore valables aujourd’hui bien que les moyens aient changé. La France est encore marquée par l’influence italienne. Pour preuve, le premier garant de la Chenaye portait un nom italien.
Et très longtemps en France on conduisit avec les guides croisées, appelées  "guides à l’Italienne". Celles -ci furent  qualifiés d’innovation italienne par Faverot de Kerbrech. De ces courtes guides croisées sont nées les longues guides croisées que nous connaissons encore aujourd'hui. alt
Elles  furent apparemment une innovation française, qui allait être reprise par l’Angleterre et les autres pays au cours de ce siècle. 
 
De l'équitation allait naître, dans la France du XVIIIème, l’attelage.
Les maîtres des grandes écuries de  l'aristocratie française vont jouer un rôle prédominant dans ce développement. "Le Parfait Cocher", de La Chesnaye (1744), cité plus haut et inspiré dans ses grandes lignes par un manuscrit rédigé par le  cocher du Duc de Nevers, fait école.
Y sont décrits  les principes les plus importants de la conduite de voitures hippomobiles, tels que  nous les connaissons aujourd'hui même. Ce  travail est réalisé au contact même de la Guérinière, qui insiste beaucoup sur l’importance du niveau du dressage et d’incurvation du cheval.  Son idée principale selon laquelle la relation avec le cheval passe par l’éducation et l’obéissance «était  une innovation considérable dans le domaine du cheval et de l’attelage ».
 
Le principe le plus innovant est sans doute celui de la main « douce et légère » du cocher. Celle-ci joue  un rôle central dans les  toutes premières instructions concernant l’attelage  français dès le XVIIIème siècle. (Dans le chapitre D.1 portant sur  la genèse  de l'art de l’attelage, on montre combien  l'innovation des  guides croisées, ainsi que l’action douce du  fouet pour le rassemblé des chevaux, et le principe de la « main légère »  sont les fondements même de  la théorie de La Guérinière).
 
On savait déjà que la tension  continuelle  sur les guides engendre une pression permanente sur les commissures des lèvres et désensibilise celles-ci.  

La liaison entre la bouche des chevaux et la main de l’homme s’amléiore considérablement  grâce aux guides croisées pour deux chevaux attelés en paire. Le cocher français tient avant tout les deux guides  dans la main gauche et l’indispensable fouet de la main droite, restée  libre pour le maniement de celui-ci. On appelle cela  "mener à la Françoise ».
 
Les cochers français  sont déjà les plus habiles, bien avant 1800.
"Avant 1789, les cochers de nos princes étaient les meilleurs d’Europe et les maîtres d'écurie de  Versailles étaient les  plus célèbres dans le monde de chevaux. »
Dès avant la Révolution, "l'ancien menage français" avait atteint un haut degré de qualité et les cochers  de la cour  et de la noblesse française "une perfection sans rivales".
On menait à cette époque, en France et en Europe, des attelages de gala de deux à six chevaux et à huit chevaux pour les princes et les rois.
Au début du XIXème siècle, la règle selon laquelle seuls les attelages de gala des régents comportant quatre paires de chevaux, ceux des  princes et autres nobles  trois paires,  et ceux de tous les  autres,  seulement deux paires  pour les cortèges et défilés, était toujours valable.
 

Les plus anciennes  compétitions d’attelages

Dès le XVIIIème, les cochers et leur maîtres  "amateurs" participent avec leurs  attelages à des  compétitions. Cette pratique est décrite dans l’ouvrage du Chevalier d'Hémars (1819) qui avait été élève du "Manège Royal des Tuileries" avant la Révolution. Des compétitions d’attelage  étaient organisées de diverses manières  à cette époque, qualifiées par l’auteur de « défi » ou de "pari".
 
C’était l’occasion pour  les cochers et leurs maîtres les plus habiles de se mesurer entre eux avec leurs attelages à quatre ou à six devant un public de connaisseurs.
Une épreuve de rapidité consistait à parcourir une distance  définie au grand trot. Il était interdit de galoper. Les attelages dont les chevaux galopaient étaient immédiatement éliminés de la course. Ces épreuves permettaient aux cochers de montrer leur adresse et les meilleurs trotteurs étaient primés.
Une deuxième épreuve consistait à entrer dans une grande cour au grand trot. Les quatre côtés devaient être parcourus correctement l’on quittait la cour en passant par la même ligne qu’à l’entrée. La présence d’un postillon n’était acceptée que sur l’attelage à huit.
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Parfois il arrivait que les attelages s’improvisent des serpentines entre les arbres d’une allée.
Les épreuves d’adresse au trot étaient particulièrement appréciées. On les appelait avec humour « les leçons pour apprendre à accrocher ». Cela consistait à contourner de manière rapprochée des marquages au sol, consistant en des pièces de monnaie ou des disques  de bois colorées dont le diamètre mesurait environ 10 cm, appelées « palets » :
-       On disposait ces palets près d’un mur, d’un arbre ou d’un cours d’eau qui longeait un chemin. La voiture  devait passer sur les palets  avec deux roues consécutives alors que le moyeu de l’autre roue  touchait presque le mur ou l’arbre. Ou alors il devait prouver que le tracé était trop étroit.
-       sur un sol sableux étaient disposées deux palets éloignées d’une distance de 4 pouces (environ 12 cm). Le conducteur devait passer entre les deux avec au minimum une roue, voire deux.
-       Ou encore on disposait plusieurs paires de palets les unes derrière les autres, de manière à constituer une figure qu’il fallait éxécuter avec précision.
-       On disposait deux palets à droite et deux à gauche, correspondant à la largeur de la voiture. Il fallait ensuite  passer dessus. Ou encore les traverser de telle manière que la roue avant passait sur une marque et la roue arrière une autre. Sinon l’épreuve était perdue.
-       On plaçait un poteau contre un mur ou un arbre de manière à laisser un demi-pied (15 cm) entre la voiture  et la piste. Pour augmenter le degré de difficulté, la trace devenait de plus en plus étroite. Le gagnant était celui dont la trace de roue dans le sable était la plus proche du poteau.
 

Dames et Messieurs prennent les guides …

Les débuts du sport d’attelage ainsi décrits sont essentiellement l’apanage des  cochers. Cependant les maîtres prennent goût à ce type d’activité. En France et particulièrement à Paris, de plus en plus de maîtres, ainsi que leurs épouses, prennent eux-mêmes les guides et se montrent dans les rues et les parcs. C’est de cette époque que  date la savoureuse reproduction de « la promenade au bois de Boulogne » (repr.  Bulloz).
Alors que La Chesnaye ne parle  que très peu de la conduite d’attelage par les maîtres, celle-ci est souvent évoquée dans l’œuvre du chevalier d’Hémars  de 1819, qui parle de meneurs « amateurs ».
 

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Ce premier chapitre de l’attelage français est très peu connu. L’Angleterre était considérée comme la patrie  de l’attelage ...  Comment est-ce possible ? L’attelage français avec sa conduite stylée du haut du siège du cocher n’était apparemment d’usage que dans les cours royales et la noblesse. Les attelages en poste étaient menés de la même manière.
 
Cette position fut particulièrement mise à mal  par la Révolution, son « anarchie » et le « vandalisme révolutionnaire ».  De nombreuses anciennes splendeurs disparurent en 1800 et au cours des guerres napoléoniennes, et avec elles la reconnaissance de la création de l’art de  l’attelage français. S’ajoute à cela, à la fin du XVIIIème,  l’engouement français pour l’Angleterre dans les milieux  bourgeois, la fameuse  anglomanie.
 

La domination anglaise autour de 1800

Les premières courses de chevaux ont lieu en Angleterre à partir du XVIIème siècle. Dès le début, la noblesse assiste à ces courses, confortablement installée dans  ses élégantes  voitures au bord des champs de course, entre autres à Ascot. D’autres pays l’imitent bientôt les imiter comme par exemple à Berlin (Nymphenburg).
 
On disait en 1792 : « Le monde entier reconnaît à l’Angleterre sa supériorité dans le domaine des chevaux et son bon goût dans les domaines de l’équitation et de l’attelage ». L’Angleterre devient une nation dominante sur le plan industriel. Elle donne le ton dans plusieurs domaines, en particulier celui de la construction de voitures.
 
En 1800 l’Angleterre détrône la France de son premier rang en matière de transport. Cela repose essentiellement sur deux principes fondamentaux, le nombre de meneurs et la rapidité de la poste.
 
On dit qu’en Angleterre, contrairement à l’Allemagne, « la plupart des hommes et même des dames sont capables de mener eux-mêmes leur voitures. » La classe supérieure et même le Prince de Galles  se montrent enthousiastes vis-à-vis de ce nouveau sport. Les voitures légères à deux roues deviennent ainsi des voitures de promenade également utilisées pour se rendre à la campagne. Pour des trajets plus longs, on fait confiance aux fiables  voitures  postales anglaises (mail).
 
 Dans ce pays, dont la devise était « time is money », on avait d’ores et déjà instauré un système efficace de réseau de communication altpostal, qui fonctionnait selon un horaire précis et rigoureux. Le transport postal anglais était considéré comme le moyen de transport le plus rapide de l’époque.  Et pourtant les coaches, solides voitures et pour l’époque relativement légères, étaient des attelages à quatre conduits depuis le siège du cocher, circulant surtout au trot et non au pas. Mais là aussi, si l’on se réfère précisément aux sources, l’influence du modèle français est présent : les cochers anglais conduisaient dans un premier temps leurs rapides chevaux au moyen de  petites guides  « short wheel reins »  qui furent remplacés en 1800 ou même un peu plus tard par des nouvelles guides à la manière française .
 
 Au début du XIXème siècle, les cochers anglais acquièrent une grande notoriété dans toutes les couches de la société. C’est ainsi qu’apparaît un élément nouveau : la capricieuse couche supérieure commence, petit à petit, en copiant les cochers, à prendre eux-mêmes les guides, et transforment  ainsi une conduite adroite et stylée en un « sport ». Ce mot anglais allait entrer dans presque toutes les autres  langues européennes. Il est compris encore aujourd’hui comme  la forme  cultivée d’une activité pouvant être pratiquée sous forme de compétition. On trouve le « yachting », « racing », « riding » et également le « driving », comme on commence à appeler  la conduite de chevaux de race à des voitures de luxe.
 
Et il se produit ce qui s’était produit en France avec l’ouvrage de La Chesnaye : les maîtres se laissent conseiller par des cochers professionnels. L’Angleterre va encore plus loin que la France : John Jervis, cocher professionnel, rédige lui-même en 1827 un ouvrage sur la conduite de voitures, à destination des gentlemen qui voudraient eux-mêmes prendre la place  du cocher. L’histoire se répète avec Edwin Howlett, d’origine anglaise, d’abord cocher de maître, puis instructeur et enfin peu avant 1900, auteur ... Tout cela se passe d’ailleurs à Paris, puisque la France a, à l’époque, repris le flambeau dans la construction de voitures hippomobiles et l’art de l’attelage …